Promenade du soir
Chaque soir un arbuste s'obstine à embaumer l'air d'une odeur rappelant à la fois le muguet et la mangue. Et chaque soir quand je passe sur ce trottoir, l'envie me saisit de cueillir ces fleurs et de les ramener chez moi, égoïstement, comme on capture une belle chose et qu'on désire se la garder- afin d'empêcher qu'elle ne ravisse d'autres.
Est-ce ainsi que l'on peut être amené à cacher, séquestrer l'objet de ses désirs, afin d'éviter de ne partager ne fut-ce qu'une brève vision de sa beauté, le soustraire à tout effleurement étranger?
Cela expliquerait-il à la fois que certains disparaissent une fois en relation et que certaines femmes doivent vivre voilées?
J'ai décidé de taire mon égoïsme et de laisser la fleur sur son arbuste. Mais je repasse chaque soir sur ce trottoir, me disant que l'enfermer n'empêchera pas que la beauté se fane… et alors?
Pour le reste, tout va bien...